« Sors d’ici incapable. Sur-le-champ! »
J’étais resté immobile au milieu du carnage, contemplant l’étendue des dégâts sans être capable de faire quoi que ce soit. Au plus profond de moi, déjà les caresses de la colère venaient frôler ma peau. J’en tremblais, refermant ma main gauche contre ma baguette avec une telle force que je manquais de la briser. Tout aurait pu être parfait. Je l’avais cherché pendant des semaines, ce maudit sortilège. Et voilà que son exécution venait de m’échapper à cause d’un pauvre inconscient, incapable d’attendre qu’on l’invite à entrer dans une pièce. Je ne savais pas si je voulais vraiment qu’il parte, ou bien qu’il reste. Pour que je puisse lui faire payer sa misérable impudence. Je l’entendis marmonner des excuses, préférant les éluder plutôt que de me voir affubler de telles sornettes. Je soupirais, fermant les yeux pour me réfugier dans mes ténèbres personnelles, histoire de calmer la machine de mes nerfs, les rouages menaçant de rompre sous la pression. Je réitérais ma demande, attendant avec une patience qui me surprit que l’importun daigne enfin sortir. Les secondes me parurent interminables, grain de sable d’un sablier en déroute préférant attendre avant de venir s’échouer sur leurs camarades. Attente insolente qui manqua me faire regretter ma demande. Ces regrets m’auraient alors poussé à me servir une fois de plus de ma baguette. De l’admirer se détruire sous l’influence d’un sortilège dont la mesure le dépassait, cet incompétent. Le grincement de la porte m’apaisa, et le silence régnant à la place réussit à me faire lâcher ma prise, libérant ma pauvre baguette de sa dangereuse prison. Mes pulsions assassines s’apaisèrent, à peine, suffisamment néanmoins pour que je retrouve un semblant de raison. Je l’aurais tué je crois, juste pour avoir le plaisir d’admirer son expression. Juste pour pouvoir me délecter de sa crainte et des arômes enivrants de sa mort. Meurtre de sang froid qui ne m’aurait rien apporté, si ce n’est un bref instant de félicité. En somme les risques encourus pour un tel acte n’en valaient pas la peine. Un léger frisson vint se glisser le long de mon échine lorsque mon regard se posa à nouveau sur le désordre environnant et la pluie tombant dans un coin de la pièce.

« Meteorribilis Recanto » murmurais-je en tournant les talons, esquissant un geste évasif de la main en direction du plafond pluvieux. J’avais claqué la porte, laissant l’écho lugubre me suivre le long du couloir. Les rares visages que je pus croiser furent gracier d’une œillade assassine, reflet de mes tourments et de mon irritation toujours présente, grandissante à mesure que mes pas m’éloignaient de mon pauvre bureau saccagé. L’échec, j’en avais horreur. Et ce qui venait d’arriver en était bien un. L’envie de retrouver mon détracteur et de lui infliger la pire des tortures en réparation me traversa à nouveau l’esprit, me fit même esquisser un léger sourire de contentement. Ebauche d’une satisfaction éphémère qui abandonna mes traits dans l’instant, leur rendant toute leur froideur, annihilant les dernières marques d’un plaisir sadique que je ne pourrais malheureusement pas contenter. Pas aujourd’hui en tout cas. Il n’en vaut pas la peine de toute façon. Je regrettais presque de ne pas pouvoir croiser la route d’un Moldu. Je ne me serais pas gêné pour assouvir mes envies de violence, mon besoin répressif de faire souffrir. Ce sadisme étouffant qui voulait dans mes veines grisait mes sens, me plongeait dans une torpeur telle qu’il m’arrivait parfois d’en perdre la raison. Je pourrais toujours rentrer. Retrouver Tyrone et tenter d’apaiser mes élans de folie en me brûlant contre sa peau. Je pourrais, oui, mais j’avouerai qu’en cet instant cette idée me paraissait être la moins judicieuse. J’achevais pourtant ma journée dans des draps. Pas les siens, mais qu’importe le résultat était le même. Grisé par les caresses d’une inconnue, enivrée par la saveur de ses lèvres, j’en oubliais tout le reste. Le goût amer de l’échec se dissipait, rongé par les notes sucrées de sa peau. Sorcière inconsciente qui s’était laissé berner sans la moindre hésitation, abandonnant ses principes et ses bonnes résolutions tout cela à cause de quelques mots. De murmures bien choisis, et énoncé avec la bonne intonation, un murmure qu’elle seule avait entendu. Une invitation délicieuse qui se mua rapidement en un cauchemar violent qu’elle n’avait pas vu venir. A défaut d’avoir pu faire souffrir un inconscient, je brisais les valeurs d’une divine créature. Elle avait tenté de résister, au début. Cette vaine tentative n’avait fait qu’accentuer ma folie, me poussant à user de violence pour obtenir ce que j’avais si ardemment souhaité. La provocation, j’adorais cela. Elle connaissait mon nom pourtant, petit Sang-pur téméraire osant se dresser contre la volonté d’un Gerst. Une pointe d’admiration était tout de même venue se glisser dans les méandres de ma déraison, me poussant à l’aimer. Pendant de fugaces secondes. Ces brides d’affection disparurent bien rapidement, elles n’avaient pas leur place dans un tel tableau de toute façon.

Je l’avais abandonné sans demander mon reste, transplanant pour me retrouver dans un lieu beaucoup plus familier. Fantôme glissant au milieu des ombres, je m’étais glissé près d’elle. Délaissant des draps pour en retrouver d’autre. Mes lèvres effleurèrent à peine son épaule nue, caresse aérienne mourant au contact de sa peau par peur de la voir s’embraser. Compagne d’infortune capable d’apaiser mes doutes et mes tourments, mais aussi de les provoquer comme personne. Je ne dormirais pas cette nuit, j’en étais incapable. L’étau brûlant de mon échec revenant peu à peu s’emparer de mon être, plongeant mon esprit dans une ébullition douloureuse qui me poussa à passer une partie de la nuit à contempler un plafond morne et affreusement lassant.