Un soupir s'échappa de mes lèvres alors que je lisais le journal. On ne parlait plus que de ça ces derniers temps. Autant dans les médias que dans une simple conversation entre amis. Le dernier Mangemort en date à s'être fait envoyer à Kaldephts. Ma mère. Son nom était partout. Sa photo faisait la une de la majorité des journaux. Un visage sur lequel trônait un sourire mauvais, animé par la rage. Cette femme, je ne la connaissais pas. Ou plutôt, je ne la connaissais plus. Tellement différente de la femme qui m'a élevé. J'avais du mal à comprendre comment elle avait pu finir ainsi. Un monstre. Voilà ce qu'elle était devenue. Une meurtrière assoiffée de sang, au service de l'homme qui était, à ses yeux, le plus grand sorcier que le monde magique n'ait jamais connu. Pathétique. C'était le seul mot qui me venait à l'esprit lorsque je pensais à la situation. Tout ceci était pathétique. Ma mère a toujours eu un grand avenir devant elle. Elle aurait pu réussir autrement qu'en devenant un Mangemort. Il faut croire que cette idée ne l'a même pas effleuré. Je crois que, pour elle, c'était normal de rejoindre les rangs de Whinam.
Je posai le journal sur la table, avant de boire une tasse de café. Nous étions mercredi. Un mercredi qui avait commencé comme les précédents. Banal. Sans aucun imprévu. Pourtant, alors que je finissais mon déjeuner, j'aperçu le feu de ma cheminée tirer sur le vert. Une visite, à cette heure-ci ? C'était pour le moins... surprenant. Non seulement j'invitais rarement quelqu'un à venir chez moi mais de même, il était rare que quelqu'un vienne à l'improviste chez moi. Encore moins aussi tôt. Ca devait être important. Quelques secondes plus tard, un homme d'une soixantaine d'années s'avançait vers moi, remettant ses lunettes en place et époussetant la saleté qu'il avait sur sa robe de sorcier. Mon père. Et instantanément, un mauvais pressentiment s'empara de moi. Il ne se déplaçait que rarement jusqu'à mon appartement lorsqu'il avait quelque chose à me dire.
Je l'invitais à s'asseoir et je lui servis une tasse de café. Il garda le silence quelques secondes, ne sachant visiblement pas par où commencer, avant de prendre la parole. « Elle a beau être en prison, ta mère continue de nous tourmenter. » « Mmm... » Je devinais que son regard s'était posé sur le journal. Il tournait autour du pot. Le sujet dont il voulait me parler était-il si délicat que ça ? « Orion, il faut qu'on parle. » Je levais les yeux de mon café, dans lequel mon regard était plongé depuis l'arrivée de mon paternel, afin d'observer mon interlocuteur, d'essayer de déchiffrer ce qu'il avait en tête. Un art dans lequel j'excellais la plupart du temps. Cependant, mon père était le genre d'homme qui arborait toujours un visage dénué d'expression. Je n'arrivais pas à lire en lui. Je n'y étais jamais parvenu. Retenant un soupir, je calais mon dos contre le dossier de la chaise et me passait une main dans les cheveux, sans cesser un instant de m'interroger au sujet de l'annonce de mon père. « Je t'écoute. » Il me fixa un instant, avant de détourner les yeux pour observer ses mains, posées sur la table de la cuisine. « C'est à propos de ta soeur. » Neeyah ? Que lui était-il arrivé ? Elle ne s'était tout de même pas fait prendre elle aussi ? J'avais beau être complètement opposé à ses idées, je ne supporterais pas de savoir qu'elle avait également été emmenée à Kaldephts. Elle avait certes rejoint les Mangemorts, mais elle restait ma soeur. Celle que j'aimais par dessus tout et que je serais prêt à protéger au péril de ma vie. « Elle va venir habiter quelques temps à la maison. » Je regardais mon père sans comprendre. Neeyah et lui ne s'entendaient plus depuis des années. Alors pourquoi, soudainement... Et puis j'eus un énorme doute. Et si... ? « Papa, ce n'est pas de Neeyah dont tu parles, pas vrai ? » Il secoua la tête. Non, ce n'était pas elle. C'était l'autre. Celle à laquelle il ne voulait accorder aucune place, même minime, dans sa vie. Celle qui n'avait rien à faire en Angleterre et qui devrait rester en Russie. « Sasha aimerait venir à Londres. » Je ne répondis rien. Je ne savais pas quoi dire. J'avais beau avoir la trentaine, j'étais encore capable de faire des caprices. Je n'avais aucune envie que cette fille vienne à Londres. Parfois, lorsque mon père me parlait d'elle, j'avais l'impression qu'il tenait plus à elle, la fille de son amante, qu'à nous, les enfants de sa femme. Et je ne pouvais le supporter. J'étais jaloux de cette fille, je devais bien l'avouer. De la place qu'elle avait dans le coeur de mon père. Je crois qu'au fond, j'aurais préféré que nous échangions nos places. Ma vie a longtemps été régie par ma mère avant que je ne puisse choisir moi-même le chemin que je voulais emprunter. Elle, au contraire, m'a semblé - pour ce que j'en ai entendu dire - libre de tout choix. Nous partageons le même père et nous avons pourtant une vie si différente l'un de l'autre. « Je voulais d'abord t'en parler » Je hochai la tête. Génial. Tout cela s'annonçait génial. L' "erreur de jeunesse" de mon père - comme je l'appelai bien souvent - allait débarquer dans mon univers. « Combien de temps compte-t-elle rester ? » « Je ne sais pas. Quelques mois. Un an, peut-être. » Parfait. Ma vie n'était déjà pas rose mais maintenant, c'était carrément un enfer. Cette demoiselle dont je ne connaissais que le prénom - et légèrement l'histoire - et que je détestait pourtant déjà, à Londres ? Sasha vivait tellement loin que j'avais fini par me dire qu'elle n'existait pas, qu'elle n'était que le fruit de mon imagination. Pourtant, elle était bien réelle. Et tôt ou tard, j'en aurais la preuve. Car c'est en cher et en os que je la rencontrerais, un jour ou l'autre. En tout cas, papa avait de la chance que maman soit en prison. Car malgré tous leurs problèmes de couple, je ne crois pas qu'elle aurait accepté que la fille illégitime de son mari s'installe à la maison.