" But I set fire to the rain
Watched it pour as I touched your face
Well, it burned while I cried
'Cause I heard it screaming out your name,
your name "

(adele - set in fire)

J’étais plongée en eaux troubles, totalement immergée et immobile dans cette vaste étendue dont je ne distinguais les limites. Flottant, doucement bercée par de légers remous, je ne distinguais rien si ce n’est qu’un bleu profond et insondable. J’étais au calme, en sécurité dans cet univers imaginaire que je m’étais créé depuis quelques semaines afin de fuir les jours longs et monotones qui s’enchaînaient sans que je puisse y changer quoique ce soit. Je m’isolais ainsi du reste du monde, des soucis quotidiens, aussi bien des futiles que de ceux plus importants. Si au début je ressentais des difficultés à me couper de la réalité, cette volonté nouvelle que je prenais pour un exercice se transforma très vite en une habitude. M’abandonner devint naturel, voir systématique, comme à cet instant où je ne m’étais même pas sentie partir. Je finis par réaliser mon absence que lorsque des sons lointains vinrent troubler en de fines rides la surface de l’eau. Je fis alors l’erreur de m’y intéresser, de chercher la source lorsque ma bulle éclata soudain. Le retour fut alors violent, réintégrer le monde réel était comme recevoir une gifle impromptue et chargée de colère. Je levais le regard vers celle qui venait d’éclater d’un rire hystérique, les larmes aux bords des yeux, et soupirais en me disant que, de toute manière, étrangler la Gryffondor ne suffirait pas à me mettre de bonne humeur. J’aurais pourtant dû l’être avec un temps aussi radieux. La plupart des élèves appréciaient ce climat propre à l’été et qui arrivait avec un bon mois d’avance mais ne pouvaient s’empêcher de se plaindre de la chaleur étouffante. Pour ma part il n’en était rien, au contraire je bénissais les rayons qui brulaient délicieusement ma peau. Allez savoir pourquoi mais j’adorais cette sensation qui me donnait l’impression de me consumer sur place et qui était inévitablement accompagnée de celle piquante de l’herbe sur mes jambes nues ainsi que du froid apporté par un glaçon qui fond peu à peu sur ma langue. Voilà que des souvenirs d’enfance me revenaient, sucrés et chaleureux, associés à l’époque où je passais toutes mes vacances chez mes grands-parents, profitant de la campagne bien plus riche et radieuse que la ville qui m’ennuyait alors. Je perdis le fil de mes pensées quand un bras m’enlaça et qu’une main vint se poser sur ma taille. Je relevais la tête vers Jim qui me dévisageait, un grand sourire aux lèvres. « Depuis combien de temps m’observes-tu ? » demandais-je alors soupçonneuse. « Assez longtemps pour savoir que tu ne révises pas. » me répondit-il taquin. Je pinçais les lèvres tout en effleurant du bout des doigts les parchemins posés sur mes genoux. Évidemment il avait raison, j’avais déjà étudié la plupart de mes cours pour les prochains examens mais cela ne m’empêchait pas d’avoir toujours un livre avec moi. Je pouvais ainsi fuir secrètement les conversations que je trouvais toutes sans intérêt. Si Jim me trouvait étrange ces derniers temps, il me croyait simplement anxieuse à cause des cours et me laissait en paix. Il déposa un baisé dans mon coup et je ne pu que constater l’absence de réaction qu’il provoqua. Je lui souris jusqu’à ce qu’il se détourne et se remette à discuter avec ses amis. Instinctivement j’observais tour à tour les personnes qui se trouvaient dans le parc jusqu’à tomber sur celui que je cherchais. Milo. Entouré de son frère et d’autres élèves que je ne connaissais pas, il fixait l’herbe qu’il arrachait machinalement. Je refoulais mon envie de pleurer et me traitais mentalement d’idiote pour cette faiblesse que je ne supportais plus. Il ne me regardait pas, ne le ferait plus. Le jeune homme avait repoussé mes avances, je m’étais accroché pour finalement entamer une relation avec Jim dans le but de le rendre jaloux. Je voulais qu’il réalise son erreur et qu’il réagisse, en vain… Après tout je connaissais bien Milo, mieux que personne, moins que Woody, et j’aurais du savoir qu’il ne ferait rien. Je fis mine de me replonger dans mon livre en maudissant mon manque de patience. J’avais eu tout faux et son absence me meurtrissait cruellement. A présent j’espérais de Jim qu’il comble le vide qui m’habitait. Je n’étais pas amoureuse de lui, pas encore. Cela viendrait, un jour, avec le temps. N’est ce pas ?

Et puis nos regards se sont à nouveau croisés. C’est seulement à ce moment là que je compris à quel point je m'étais voilé la face. L’accélération soudain de mon pouls confirma mes doutes, mon amour pour lui n’avait nullement disparu, ni faiblit. Je m’étais contenté d’enfuir mes sentiments, de les oublier en les déposant dans une pièce dont j’avais oublié de fermer la porte à clé. Joie, amour, peur, malaise. Tout se mélange, je perds pied. A présent, que faire alors que je t’aime tant… Que je vous aime tous les deux ?